Le délégué syndical régional CGT, Patrick Gadbin. PHOTO/PERPIGNAN PHILIPPE ROUAH
50 % des salariés du service péage des ASF ont engagé une grève de trois jours dénonçant leurs conditions de travail
C’est une grève qui sera sans doute invisible pour les milliers de véhicules qui empruntent quotidiennement l’A9. Et qui, autant le dire tout de suite, ne les dispensera pas de s’acquitter de leur ticket de péage. Mais c’est justement parce que leurs métiers se sont peu à peu déshumanisés, « au mépris du service aux usagers » qu’hier, à l’appel de la CGT, près de la moitié des personnels de la filière ‘péage’ du district de Rivesaltes se sont mis en grève.
« Nous avons connu de nombreuses réorganisations depuis la privatisation des Autoroutes du sud de la France et l’arrivée de Vinci autoroutes en 2006, explique Patrick Gadbin, délégué syndical régional. Mais la nouvelle réorganisation, cette année, a réellement pour objectif de vider les péages de toute présence humaine ».
A titre d’exemple, le syndicaliste égrène les chiffres : 27 licenciements pour faute, « en réalité des licenciements économiques déguisés », 45 ruptures conventionnelles… « En tout, on arrive à 157 postes de travail supprimés aux ASF pour la seule année 2013 ». Sans compter la baisse des renforts estivaux étudiants, qui sont passés de 80 à 15, « et encore, c’est la dernière année où l’on aura recours à eux, soi-disant pour éviter la ‘précarisation’ des étudiants ». Et puis, il y a les difficultés organisationnelles liées à la mise en place en 2013 de la plateforme unique d’appel, sur laquelle ont ‘glissé’ 18 salariés volontaires du péage. « Parce qu’on nous avait promis que nos salaires seraient maintenus… En réalité, nous allons gagner moins, nous enchaînons 8 heures de téléphonie par jour, soit une centaine d’appels d’usagers en colère et on les comprend… ».
Résultat, la quarantaine de salariés du district affectés aux péages est à bout de souffle. Limitant ses périodes de congés d’été pour pallier le manque de personnel. Sacrifiant leur demi-heure de pause quotidienne. Et jonglant avec ‘l’itinérance’ entre deux postes sur une même plage horaire.
- « Le service, il est pour l’actionnaire »
Bruno, par exemple, a son affectation principale au poste du Perthus. « Mais la semaine, à partir de 22 h, je suis tout seul au bureau et je dois également gérer le péage du Boulou ». Lorsqu’un mode de paiement ne passe pas, et que l’usager appuie sur le bouton d’aide, l’appel arrive à Narbonne, qui prévient Bruno, qui sort alors aider le conducteur. Et il y a peu, ce qui devait arriver arriva : alors que Bruno aidait un poids lourd à passer, au Perthus, un automobiliste a vu sa carte refusée, au Boulou. « Le temps que Narbonne me prévienne, que je finisse mon intervention, que je prenne ma voiture et que j’arrive au Boulou, vous imaginez ? Heureusement, un autre conducteur est arrivé entre-temps et a payé avec sa carte pour que le premier puisse partir… ». « C’est cela, le service à l’usager ? », reprend Patrick Gadbin.
« Et le 11 juillet, lorsque des automobilistes ont été bloqués 7 heures sur l’autoroute par le camion qui a pris feu à Agde, pensez-vous que Vinci ait fait lever les barrières ? Non, on leur a fait payer le péage ! C’est un scandale, surtout pour une société qui affiche 743 millions d’euros de bénéfices… Le service, il est pour l’actionnaire ».
Les salariés en grève, qui « ne s’interdisent rien », ont prévu de reconduire leur mouvement aujourd’hui et demain.